L’architecture sociale, un marché ou une vocation?

09 Jun 2023
Stéphan Langevin
Architecte associé principal et Chef de pratique en conception

Lundi dernier, à la grande Bibliothèque de Montréal, plusieurs membres de notre équipe ont assisté, avec intérêt, à la grande conférence organisée par l’organisme Architecture sans frontières Québec, dont nous sommes fiers partenaires. Nous avons choisi de nous impliquer activement avec ASFQ afin de pouvoir participer activement au changement, et soutenir cet organisme qui vient en aide aux populations victimes de crises, de catastrophes naturelles ou d’inégalités sociales ici ou ailleurs.

 

Sous le thème “Architecture et Design, catalyseurs d'impact social “ la soirée en trois temps, présentait deux conférenciers, puis s’est conclue par une table ronde avec deux architectes en pratique privée et deux représentantes de la direction d’institutions d’enseignement universitaire en design et en architecture.

 

En s’éloignant un peu du thème principal, ce qui est souvent le cas des tables rondes, les discussions ont dévié vers les difficultés que doivent surmonter les professionnels de l’architecture et du design lors du développement de projets à vocation sociale et la quasi-abnégation que demanderait ce type d’entreprise. Certains sont allés jusqu'à proposer l’imposition de travail bénévole dans le cursus des architectes.

 

De prime abord, la proposition a été bien reçue, voire applaudie. Mais, lorsque nous prenons le temps d’y réfléchir un peu, même si nous nous impliquons souvent bénévolement dans certaines causes, l’architecture sociale ne devrait-elle pas être un marché comme les autres et ces projets ne mériteraient-ils pas un financement plus généreux de nos gouvernements? Ainsi, les organismes auraient accès à des équipes de professionnels qui auraient plus de temps et plus de moyens pour concevoir de meilleurs projets et probablement des bâtiments d’une plus grande qualité. De plus, l'architecture à vocation sociale intéresserait un plus grand nombre de professionnels, incluant les plus expérimentés, créatifs et talentueux. Toutes les chances seraient ainsi réunies afin que les différents organismes sociaux puissent occuper et exploiter des infrastructures qui leur permettraient d’accomplir leurs importantes missions dans les meilleures conditions possible.

 

Autre sujet oblitéré lors des débats : les normes qui régissent la construction des logements sociaux au Québec et au Canada. Ces normes, très restrictives, emprisonnent parfois la créativité des concepteurs dans un carcan étroit et empêchent le développement de solutions novatrices qui pourtant pourraient favoriser le bienêtre des utilisateurs et éventuellement engendrer des économies. Les normes existent afin d’assurer un standard de qualité minimum, mais elles ne devraient pas la limiter en empêchant le progrès et l’évolution. Malgré les contraintes et les difficultés, certains projets d'ici ont fait école et sont des exemples à suivre, mais ce n'est malheureusement pas la norme. Pour être véritablement un ‘’catalyseur d'impact social'', comme le dit le thème de la conférence, les architectes et les designers auraient besoin d’une plus grande latitude afin de mettre véritablement à profit leurs connaissances et leur créativité.

 

L’innovation ne devrait pas être uniquement réservée aux mieux nantis, l’architecture sociale devrait, elle aussi, pouvoir profiter du talent et des réflexions de nos créateurs les plus talentueux. Ainsi, comme société, plutôt que de se contenter de maintenir une qualité de vie minimale pour nos concitoyens dans le besoin, nous pourrions avoir l’ambition de devenir un exemple à suivre et offrir à nos populations fragilisées, des infrastructures de grande qualité dont la conception favoriserait concrètement et efficacement l’inclusion, l’égalité et la réinsertion sociale.